Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fine et charmante… Moi, je travaillais à un ouvrage de couture.

Tout à coup, il me dit :

— Laisse un peu ton ouvrage, Célestine… et viens près de moi…

J’obéissais toujours à ses désirs, à ses caprices… Il avait des effusions, des enthousiasmes d’amitié que j’attribuais à la reconnaissance… J’obéis comme les autres fois.

— Plus près de moi… encore plus près… fit-il.

Puis :

— Donne-moi ta main, maintenant…

Sans la moindre défiance, je lui laissai prendre ma main qu’il caressa :

— Comme ta main est jolie !… Et comme tes yeux sont jolis !… Et comme tu es jolie, toute… toute… toute !…

Souvent, il m’avait parlé de ma bonté… jamais il ne m’avait dit que j’étais jolie — du moins, jamais il ne me l’avait dit avec cet air-là… Surprise et, dans le fond, charmée de ces paroles qu’il débitait d’une voix un peu haletante et grave, instinctivement je me reculai :

— Non… non… ne t’en va pas… Reste près de moi… tout près… Tu ne peux pas savoir comme cela me fait du bien que tu sois près de moi… comme cela me réchauffe… Tu vois… je ne suis plus nerveux, agité… je ne suis plus malade… je suis content… je suis heureux… très… très heureux…