Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vant toutes mes allées et venues de son regard qui, dans l’ombre du lit, brillait et brûlait comme une lampe.

On avait disposé, dans la chambre, une couchette pour moi, une petite couchette de garde-malade et, — ô ironie ! afin, sans doute, de ménager sa pudeur et la mienne — un paravent, derrière lequel je pusse me déshabiller. Mais, je ne couchais pas, souvent, dans la couchette ; monsieur Georges voulait toujours m’avoir près de lui. Il ne se trouvait réellement bien, réellement heureux que quand j’étais près de lui, ma peau nue contre la sienne, nue aussi, mais hélas, nue comme sont nus les os.

Après avoir dormi deux heures, d’un sommeil presque paisible, vers minuit, il se réveilla. Il avait un peu de fièvre ; la pointe de ses pommettes était plus rouge. Me voyant assise à son chevet, les joues humides de larmes, il me dit sur un ton de doux reproche :

— Ah ! voilà que tu pleures encore !… Tu veux donc me rendre triste, et me faire de la peine ?… Pourquoi n’es-tu pas couchée ?… Viens te coucher près de moi…

J’obéis docilement, car la moindre contrariété lui était funeste. Il suffisait d’un mécontentement léger, pour déterminer une congestion et que les suites en fussent redoutables… Sachant mes craintes, il en abusait… Mais, à peine dans le lit, sa main chercha mon corps, sa