Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/221

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Aujourd’hui, justement, j’ai appris, chez l’épicière, que des chasseurs avaient trouvé la veille, dans la forêt de Raillon, parmi des ronces et des feuilles mortes, le cadavre d’une petite fille, horriblement violée… Il paraît que c’est la fille d’un cantonnier… On l’appelait dans le pays, la petite Claire… Elle était un peu innocente, mais douce et gentille… et elle n’avait pas douze ans !… Bonne aubaine, vous pensez, pour un endroit comme ici… où l’on est réduit à ressasser, chaque semaine, les mêmes histoires… Aussi, les langues marchent-elles…

D’après Rose, toujours mieux informée que les autres, la petite Claire avait son petit ventre ouvert d’un coup de couteau, et les intestins coulaient par la blessure… La nuque et la gorge gardaient, visibles, les marques de doigts étrangleurs… Ses parties, ses pauvres petites parties, n’étaient qu’une plaie affreusement tuméfiée, comme si elles eussent été forcées — une comparaison de Rose — par le manche trop gros d’une cognée de bûcheron… On voyait encore, dans la bruyère courte, à un endroit piétiné et foulé, la place où le crime s’était accompli… Il devait remonter à huit jours, au moins, car le cadavre était presque entièrement décomposé…

Malgré l’horreur sincère qu’inspire ce meurtre, je sens parfaitement que, pour la plupart de ces créatures, le viol et les images obscènes qu’il évoque, en sont, pas tout à fait une excuse, mais