Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/298

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canière, entreprenante et fureteuse, sœur Angèle était la grande amie de M. le Doyen et sa conseillère intime. Ils se voyaient chaque jour, mystérieusement, préparant sans cesse des combinaisons électorales et municipales, se confiant les secrets dérobés des ménages port-lançonnais, s’ingéniant à éluder, par d’habiles manœuvres, les arrêtés préfectoraux et les règlements administratifs, au profit des intérêts ecclésiastiques. Toutes les vilaines histoires qui circulaient dans le pays venaient de là… Chacun s’en doutait, mais on n’osait rien dire, craignant l’intarissable esprit de M. le Doyen, ainsi que la méchanceté notoire de sœur Angèle qui dirigeait l’hospice à sa fantaisie de femme intolérante et rancunière.

Jeudi dernier, M. le Doyen, dans la cour du presbytère, inculquait aux enfants d’étonnantes notions météorologiques… Il expliquait le tonnerre, la grêle, le vent, les éclairs.

— Et la pluie ?… Savez-vous bien ce que c’est que la pluie… d’où elle vient… et qui la fabrique ? Les savants d’aujourd’hui vous diront que la pluie est une condensation de vapeur… Ils vous diront ceci et cela… Ils mentent… Ce sont d’affreux hérétiques… des suppôts du diable… La pluie, mes enfants, c’est la colère de Dieu… Dieu n’est pas content de vos parents qui, depuis des années, s’abstiennent de suivre les Rogations… Alors, il s’est dit : « Ah ! vous laissez le bon curé se morfondre tout seul avec son bedeau