Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/302

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— Et, depuis des siècles qu’elle est là… souillant votre église… vous ne vous êtes aperçu de rien ?… Et il faut que ce soit moi, une femme… moi, une religieuse… moi qui ai fait vœu de chasteté… il faut que ce soit moi qui dénonce ce… cette abomination… et qui vienne vous crier : « Monsieur le Doyen, le diable est dans votre église ! »

Mais M. le Doyen, aux paroles ardentes de sœur Angèle, avait vite reconquis ses esprits… Il prononça d’un ton résolu :

— Nous ne pouvons tolérer un tel scandale… Il faut terrasser le diable… Et je m’en charge… Revenez à minuit… quand tout le monde dormira à Port-Lançon… Vous me guiderez… Je vais prévenir le sacristain, afin qu’il se procure une échelle… Est-ce très haut ?…

— C’est très haut…

— Et vous saurez bien retrouver la place, ma sœur ?

— Je la retrouverais, les yeux fermés… À minuit donc, monsieur le Doyen !

— Et que Dieu soit avec vous, ma sœur !…

Sœur Angèle se signa, regagna la porte basse et disparut…


La nuit était sombre, sans lune. Aux fenêtres de la venelle, la dernière lumière s’était depuis longtemps éteinte ; les réverbères, obscurs au haut de leur potence, balançaient leurs grinçantes et in-