Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fleurs dans un jardin. Je n’en revenais pas… je demeurais toute bête, contente et gênée à la fois, devant ces tas d’étoffes roses, mauves, jaunes, rouges où restaient encore des bouts de ruban aux tons plus vifs, des morceaux de dentelles délicates… Et Madame remuait ces défroques toujours jolies, ces dessous à peine passés, me les montrait, me les choisissait, en me faisant des recommandations, en m’indiquant ses préférences.

— J’aime que les femmes qui me servent soient coquettes, élégantes… qu’elles sentent bon. Vous êtes brune… voici un jupon rouge qui vous ira à merveille… D’ailleurs, tout vous ira très bien… Prenez tout…

J’étais dans un état de stupéfaction profonde… Je ne savais que faire… je ne savais que dire. Machinalement, je répétais :

— Merci, Madame… Que Madame est bonne !… Merci, Madame…

Mais Madame ne laissait pas à mes réflexions le temps de se préciser… Elle parlait, parlait, tour à tour familière, impudique, maternelle, maquerelle, et si étrange !

— C’est comme la propreté, Mary… les soins du corps… les toilettes secrètes. Oh ! j’y tiens, par-dessus tout… Sur ce chapitre, je suis exigeante… exigeante… jusqu’à la manie.

Elle entra dans des détails intimes, insistant toujours sur ce mot « convenable », qui revenait