Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/330

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— Oh ! comme tu sens bon ! chuchota-t-il… Petite putain, tu sens maman…

Ce matin-là, Madame fut particulièrement gentille avec moi…

— Je suis très contente de votre service, me dit-elle… Mary, je vous augmente de dix francs.

— Si, chaque fois, elle m’augmente de dix francs ?… songeai-je… Alors, ça va bien… C’est plus convenable…

Ah ! quand je pense à tout cela… Moi aussi, j’en ai soupé…

La passion ou plutôt la toquade de M. Xavier ne dura pas longtemps. Il eut vite « soupé de moi ». Pas une minute, du reste, je n’avais eu le pouvoir de le retenir à la maison. Plusieurs fois, en entrant dans sa chambre, le matin, je trouvai la couverture intacte et le lit vide. M. Xavier n’était pas rentré de la nuit. La cuisinière le connaissait bien et elle avait dit vrai : « Il aime mieux les cocottes, cet enfant… » Il allait à ses habitudes, à ses plaisirs coutumiers, à ses noces, comme auparavant… Ces matins-là, j’éprouvais au cœur un serrement douloureux, et, toute la journée, j’étais triste, triste !…

Le malheur, en tout cela, est que M. Xavier n’avait point de sentiment… Il n’était pas poétique comme M. Georges. En dehors de « la chose », je n’existais pas pour lui, et « la chose » faite… va te promener… il ne m’accordait plus la moindre