Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/333

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Et il allumait une cigarette…

Rien ne m’était pénible comme de voir que je n’eusse pas laissé la moindre trace d’affection, pas la plus petite tendresse dans son cœur, bien que je me pliasse à tous les caprices de sa luxure, que j’acceptasse à l’avance, que je devançasse même toutes ses fantaisies… Et Dieu sait, s’il en avait d’extraordinaires, Dieu sait s’il en avait d’effrayantes !… Ce qu’il était corrompu, ce morveux !… Pire qu’un vieux… plus inventif et plus féroce dans la débauche qu’un sénile impuissant ou un prêtre satanique.

Cependant, je crois que je l’aurais aimé, la petite canaille, que je me serais dévouée à lui, malgré tout, comme une bête… Aujourd’hui, encore, je songe avec des regrets à sa frimousse effrontée, cruelle et jolie… à sa peau parfumée… à tout ce que sa luxure avait d’atroce et d’exaltant, tour à tour… Et j’ai souvent sur mes lèvres, où tant de lèvres depuis auraient dû l’effacer, le goût acide, la brûlure de son baiser… Ah ! monsieur Xavier… monsieur Xavier !


Un soir, avant le dîner, comme il rentrait pour s’habiller — Dieu qu’il était gentil en habit ! — et que je disposais avec soin ses affaires dans le cabinet de toilette, il me demanda sans un embarras, sans une hésitation, presque sur un ton impératif, de même qu’il m’eût demandé de l’eau chaude :