Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/34

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sans effronterie, de déshabilleur, sans brutalité. Il est évident que Monsieur n’est pas habitué à des femmes de chambre comme moi, que je l’épate, que j’ai fait, sur lui, du premier coup, une grande impression… Il m’a dit, avec un peu d’embarras :

— Ah !… ah !… c’est vous, la nouvelle femme de chambre ?…

J’ai tendu mon buste en avant, j’ai baissé légèrement les yeux, puis, modeste et mutine, à la fois, de ma voix la plus douce, j’ai répondu simplement :

— Mais oui, Monsieur, c’est moi…

Alors, il a balbutié :

— Ainsi, vous êtes arrivée ?… C’est très bien… c’est très bien…

Il aurait voulu parler encore… cherchait quelque chose à dire, mais, n’étant pas éloquent ni débrouillard, il ne trouvait rien… Je m’amusais vivement de sa gêne… Après un court silence :

— Comme ça, a-t-il fait, vous venez de Paris ?

— Oui, Monsieur…

— C’est très bien… c’est très bien.

Et s’enhardissant :

— Comment vous appelez-vous ?

— Célestine… Monsieur…

Par manière de contenance, il s’est frotté les mains, et il a repris :

— Célestine !… Ah ! ah !… C’est très bien… Un nom pas commun… un joli nom, ma foi !…