Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/37

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fumet de fauve, pénétrant et chaud… qui ne m’est pas désagréable.

Quand ses bottes eurent été retirées, et pour le laisser sur une bonne impression de moi, je lui ai demandé, à mon tour :

— Je vois que Monsieur est chasseur… Monsieur a fait une bonne chasse, aujourd’hui ?

— Je ne fais jamais de bonnes chasses, Célestine, a-t-il répliqué, en hochant la tête… C’est pour marcher… pour me promener… pour n’être pas ici, où je m’ennuie…

— Ah ! Monsieur s’ennuie ici ?…

Après une pause, il a rectifié galamment :

— C’est-à-dire… je m’ennuyais… Car maintenant… enfin… voilà !…

Puis, avec un sourire bête et touchant :

— Célestine ?…

— Monsieur !

— Voulez-vous me donner mes pantoufles ?… Je vous demande pardon…

— Mais, Monsieur, c’est mon métier…

— Oui… enfin… Elles sont sous l’escalier… dans un petit cabinet noir… à gauche…

Je crois que j’en aurai tout ce que je voudrai de ce type-là… Il n’est pas malin, il se livre du premier coup… Ah ! on pourrait le mener loin…


Le dîner, peu luxueux, composé des restes de la veille, s’est passé sans incidents, presque silencieusement… Monsieur dévore, et Madame pigno-