Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/425

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Sa nuque était son vrai visage, et ce visage était terrible.

Louise, sur l’ordre de la vieille dame, avait gagné le fond de la pièce. Le désir de plaire la rendait véritablement monstrueuse, lui donnait une attitude décourageante. À peine se fut-elle placée dans la lumière que la dame s’écria :

— Oh ! comme vous êtes laide, ma petite !

Et prenant à témoin Mme  Paulhat-Durand :

— Se peut-il, vraiment, qu’il y ait sur la terre des créatures aussi laides que cette petite ?…

Toujours solennelle et digne, Mme  Paulhat-Durand répondit :

— Sans doute, ce n’est pas une beauté… mais Mademoiselle est très honnête…

— C’est possible… répliqua la vieille dame… Mais elle est trop laide… Une telle laideur, c’est tout ce qu’il y a de plus désobligeant… Quoi ?… Qu’avez-vous dit ?

Louise n’avait pas prononcé une parole. Elle avait seulement un peu rougi, et baissait la tête. Un filet rouge bordait l’orbe de ses yeux ternes. Je crus qu’elle allait pleurer.

— Enfin… nous allons voir ça… reprit la dame dont les doigts, en ce moment, furieusement agités, déchiraient l’étoffe de la robe, avec des mouvements de bête cruelle.

Elle interrogea Louise sur sa famille, les places qu’elle avait faites, ses capacités en cuisine, en ménage, en couture… Louise répondait par