Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/430

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Dix francs, seulement !… C’est à prendre ou à laisser…

Louise qui avait, jusque-là, retenu ses larmes, suffoqua :

— Non… je ne veux pas… je ne veux pas… je ne veux pas…

— Écoutez, Mademoiselle… dit sèchement Mme  Paulhat-Durand… Vous allez accepter cette place… ou bien je ne me charge plus de vous, jamais… Vous pourrez aller demander des places dans les autres bureaux… J’en ai assez, à la fin… Et vous faites du tort à ma maison…

— C’est évident ! insista la vieille… Et ces dix francs, vous devriez m’en remercier… C’est par pitié, par charité que je vous les offre… Comment ne comprenez-vous pas que c’est une bonne œuvre… dont je me repentirai, sans doute, comme des autres ?…

Elle s’adressa à la placeuse :

— Qu’est-ce que vous voulez ?… Je suis ainsi… je ne peux pas voir souffrir les gens… je suis bête comme tout devant les infortunes… Et ce n’est point à mon âge que je changerai, n’est-ce pas ?… Allons, ma petite, je vous emmène…

Sur ces mots, une crampe me força de descendre de mon observatoire… Je n’ai jamais revu Louise…


Le surlendemain, Mme  Paulhat-Durand me fit entrer cérémonieusement dans le bureau, et,