Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/441

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— Le logement vous plaît ?

— Le logement aussi est très beau… C’est quasiment trop grand pour de petites gens comme nous… et nous n’avons pas assez de meubles pour le meubler… Mais on n’habite que ce qu’on habite, bien sûr… Et puis, c’est loin du château… Faut ça… Les maîtres n’aiment pas quand les jardiniers sont trop près… Et nous, on craint de gêner… De cette façon on est chacun chez soi… Ça vaut mieux pour tout le monde… Seulement…

L’homme hésita pris d’une timidité soudaine, devant ce qu’il avait à dire…

— Seulement… quoi ?… interrogea la comtesse, après un silence qui augmenta la gêne de l’homme.

Celui-ci serra plus fort sa casquette, la tourna entre ses gros doigts, pesa davantage sur le sol, et, s’enhardissant :

— Eh bien, voilà ! fit-il… Je voulais dire à madame la comtesse que les gages n’étaient pas assez forts pour la place. C’est trop court… Avec la meilleure volonté du monde, on ne pourra pas arriver… Madame la comtesse devrait donner un peu plus…

— Vous oubliez, mon ami, que vous êtes logé, chauffé, éclairé… que vous avez les légumes et les fruits… que je donne une douzaine d’œufs par semaine et un litre de lait par jour… C’est énorme…