Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/455

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Puis, les narines frémissantes, le corps tout entier secoué d’un frisson :

— Que tu es joli, mon amour !… Oh ! ta petite frimousse… ta petite frimousse… Je ne veux pas que les autres en aient… Pourquoi n’as-tu pas mis tes beaux souliers jaunes ?… Je veux que tu sois joli de partout, quand tu viens… Et ces yeux-là… ces grands yeux polissons, petit brigand ?… Ah ! je parie qu’ils ont encore regardé une autre femme ! Et ta bouche… ta bouche !… qu’est-ce qu’elle a fait cette bouche-là !…

Il la rassura, souriant, se dandinant sur ses hanches frêles…

— Dieu non !… ça, je t’assure, Nini… c’est pas une blague… maman faisait une course… là… vrai !

Eugénie répéta, à plusieurs reprises :

— Ah ! mauvais sujet… mauvais sujet… je ne veux pas que tu regardes les autres femmes… Ta petite frimousse pour moi, ta petite bouche, pour moi… tes grands yeux pour moi !… Tu m’aimes bien, dis ?…

— Oh ! oui… Pour sûr…

— Dis le encore…

— Ah ! pour sûr !…

Elle lui sauta au cou, et, la gorge haletante, bégayant des mots d’amour, elle l’entraîna dans la pièce voisine.

William me dit :

— Ce qu’elle en pince !… Et ce qu’il lui coûte