Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/482

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— Dame ! est-ce qu’on sait ?… Les hommes, c’est si drôle…

— Je te dis que tu es ma petite femme… ma chère… ma seule petite femme… ah !

— Et toi… mon bébé… mon gros bébé… le seul gros bébé à sa petite femme… na !…

Je laçais Madame qui, se regardant dans la glace, les bras nus et levés, caressait alternativement les touffes de poil de ses aisselles… Et j’avais grande envie de rire. Ce qu’ils me faisaient suer avec « leur petite femme, et leur gros bébé ! » Ce qu’ils avaient l’air stupide tous les deux !…

Après avoir pénétré dans le cabinet, soulevé des jupons, des bas, des serviettes, dérangé des brosses, des pots, des fioles, Monsieur prit un journal de modes, qui traînait sur la toilette, et s’assit sur une espèce de tabouret de peluche. Il demanda :

— Est-ce qu’il y a un rébus, cette fois ?

— Oui… je crois, il y a un rébus…

— L’as-tu deviné, ce rébus ?

— Non, je ne l’ai pas deviné…

— Ah ! ah ! voyons ce rébus…

Pendant que Monsieur, le front plissé, s’absorbait dans l’étude du rébus, Madame dit, un peu sèchement :

— Robert ?

— Ma chérie…

— Alors, tu ne remarques rien ?

— Non… quoi ?… dans ce rébus ?…