Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Avec tout cela, que vais-je faire ici ?… Dans ce trou de province, avec une pimbêche comme est ma nouvelle maîtresse, je n’ai pas à rêver de pareilles aubaines, ni espérer de semblables distractions… Je ferai du ménage embêtant… de la couture qui m’assomme… rien d’autre… Ah ! quand je me rappelle les places où j’ai servi, cela rend ma situation encore plus triste, plus insupportablement triste… Et j’ai bien envie de m’en aller, de tirer ma révérence une bonne fois, à ce pays de sauvages…


Tantôt, j’ai croisé Monsieur dans l’escalier. Il partait pour la chasse… Monsieur m’a regardée d’un air polisson… Il m’a encore demandé :

— Eh bien, Célestine… est-ce que vous vous habituez ici ?…

Décidément, c’est une manie… J’ai répondu :

— Je ne sais pas encore, Monsieur…

Puis, effrontément :

— Et Monsieur… est-ce qu’il s’habitue, lui ?…

Monsieur a pouffé… Monsieur prend bien la plaisanterie… Monsieur est vraiment bon enfant…

— Il faut vous habituer, Célestine… Il faut vous habituer… sapristi !…

J’étais en veine de hardiesse… J’ai encore répondu :

— Je tâcherai, Monsieur… avec l’aide de Monsieur…

Je crois que Monsieur voulait me dire quelque