Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/407

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entrez à mon service, je ne tolérerai pas qu’on vous amène, chez moi, dans ma maison, votre fille… Pas d’allées et venues dans la maison… je ne veux pas d’allées et venues dans la maison… Non, non… Pas d’étrangers… pas de vagabonds… pas de gens qu’on ne connaît point… On est bien assez exposée avec le courant… Ah ! non… merci !

Malgré cette déclaration peu engageante, la petite bonne osa pourtant demander :

— En ce cas, Madame me permettra bien d’aller voir ma fille, une fois… une seule fois… par an ?

— Non…

Telle fut la réponse de l’implacable bourgeoise. Et elle ajouta :

— Chez moi, on ne sort jamais… C’est un principe de la maison… un principe sur lequel je ne saurais transiger… Je ne paie pas des domestiques pour que, sous prétexte de voir leurs filles, ils s’en aillent courir le guilledou. Ce serait trop commode, vraiment. Non… non… Vous avez des certificats ?

— Oui, Madame.

Elle tira de sa poche un papier dans lequel étaient enveloppés des certificats jaunis, froissés, salis, et elle les tendit à Madame, silencieusement… d’une pauvre main frissonnante… Celle-ci, du bout des doigts, comme pour ne pas se salir, et avec des grimaces de dégoût, en déplia un qu’elle se mit à lire, à haute voix :