Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/236

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et font les réputations », en ce temps où le plus inutile des Theuriet, ou le plus infime des Delpit, trouvent à vivre de leur métier, à s’enrichir de leur néant, c’est donc vrai qu’un homme courageux, un formidable et supérieur et pur artiste, peut mourir de faim, devant la table servie pour les médiocres et les farceurs, et, lui parti, ne laisser aux siens, vivant seulement de sa tendresse, qu’un héritage de misère et de douleur ? Il faut que, de temps en temps, éclatent de pareilles tragédies — et combien d’ignorées — pour rendre croyables et possibles ces effrayantes choses moins rares qu’on ne pense.

M. Paul Margueritte, qui n’est pas seulement un romancier de grand et délicat talent, mais une âme généreuse vibrant à toutes les causes nobles, et M. Édouard Petit, un des plus chers, des plus fidèles amis de Jean Lombard, ont fait entendre, le premier dans L’Écho de Paris, le second dans Le Mot d’ordre, un éloquent, déchirant appel à la pitié publique en faveur de ces quatre êtres désespérés, entrés soudain dans les ténèbres de l’avenir. Cet appel a trouvé de l’écho. Une somme disponible, relativement importante, peut subvenir aux premiers et plus pressants besoins, le ministère de l’Instruction Publique s’est empressé d’allouer spontanément un secours de cinq cents francs. D’autres secours s’annoncent, sont attendus. C’est bien pour aujourd’hui. Mais demain, le demain si noir, que sera-t-il ? On ne peut poser ce point