Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/245

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Et si les opinions préalables n’existent point, alors la critique se tait.

M. Paul Hervieu occupe une place bien à part dans la critique contemporaine. S’il n’est point encore arrivé au grand public qui fait les réputations populaires et éphémères, il jouit, auprès d’un autre public plus enviable — le public artiste et lettré — d’une réputation qui va, chaque jour, grandissant. Si je n’étais l’ennemi des catégories et des groupements littéraires, je le placerais entre deux écrivains dont le talent m’est particulièrement cher, et qui, eux aussi, ne ressemblent à personne, quoi qu’on en ait dit :M. Maurice Maeterlinck et M. Maurice Barrès. Bien que très différent d’eux, et qu’il ne ressemble qu’à lui-même, M. Hervieu a des affinités morales avec ces deux puissants et charmants esprits par des façons de sentir et de comprendre, non point pareilles, certes, mais parallèles, par de naturels et invincibles élans vers le grand, où se devine, dans une personnalité autre et des préoccupations littéraires ou philosophiques dissemblables, la même race intellectuelle. Tout en admirant et en aimant certains écrivains, je sais à l’avance ce qu’ils me réservent. Je les connais dans leurs œuvres futures, aussi bien que dans leurs œuvres passées. Avec eux, nulle surprise. Aussi mon admiration, si sincère soit-elle, ne va pas sans un peu d’ennui.