Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de repentirs, ces jeunes filles auront davantage pleuré sur le père mort et qui s’en allait tout seul, sans un parfum d’encens, sans un chant de prières, sans un pardon, sans un espoir de voir le ciel s’ouvrir jamais pour soi et les êtres qu’on a adorés et qu’on ne reverra plus.

À quoi bon avoir été une lumière, une intelligence, un cerveau ? À quoi bon avoir rempli le monde du bruit de son nom ? À quoi bon avoir remporté des succès et s’être vu porter dans des triomphes, si tout cela doit périr et s’il faut partir ainsi qu’un chien, et s’enfoncer dans la nuit de la terre, sans que les passants se découvrent et pour qu’ils se détournent rapidement afin de ne point saluer vos dépouilles ? Ne vaut-il pas mieux rester un inconnu, un ignoré, un pauvre diable et s’en aller dans l’éternité, salué par le respect attendri et consolateur que laissent les corbillards des misérables, derrière lesquels marche le prêtre, en blanc surplis, et portant la croix, signe de notre rédemption ?