Page:Mirbeau - Les Deux Amants, paru dans l’Écho de Paris, 13 octobre 1890.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’Amante

Ce ne sont pas des fantômes… Vous ne m’aimez plus… Je ne suis rien pour toi… Un amour-propre, un plaisir, oui… mais je ne suis rien pour toi… Je le sens bien…

L’Amant (la voix assourdie par un baiser)

Tu es tout pour moi… tu es toute ma vie, toute ma joie… tu es tout !

L’Amante

Non !… Non !… Cela se sent, ces choses-là… Tu ne penses pas assez que je suis une femme… comprends… une femme, c’est un enfant quelquefois… qui a besoin qu’on la berce, qu’on la console, qu’on chante à son âme des choses douces et jolies… Toi, tu me dis toujours des choses profondes… tu me parles de philosophie, de littérature… C’est très beau… mais ça ne remplit pas mon cœur… Je ne suis plus une femme pour toi… Je suis comme un ami… Tu comprends ?… Est-ce que tu n’as pas le temps d’être avec tes amis ?… Et de vous raconter ces histoires qui plaisent aux hommes ?… Ce que je voudrais, moi, quand tu es avec moi, ce que je voudrais, c’est entendre ton âme, c’est me sentir caressée par des mots tendres et charmants, qui me réchauffent et m’endorment, comme on endort les babys, avec des airs d’autrefois… Comprends-tu !