Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/120

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Le monsieur hocha la tête et il dit :

— Depuis… le diable sait ce qu’elle a fait… Et le diable, en ceci, c’est vous, moi… et les autres… tous les autres…

Il se tut à nouveau, gardant encore aux lèvres une sorte de grimace ricanante… Et comme il restait là, sans un geste :

— Eh bien, monsieur ?… demandai-je.

Il répondit :

— Eh bien, voilà !… Le service que je désirais solliciter de vous n’a plus aucune raison d’être. De parler d’elle, cela m’a soulagé de son désir… C’est même une chose extraordinaire qu’elle me soit devenue aussi brusquement indifférente. Excusez-moi, monsieur, et ne vous moquez pas trop de l’étrangeté de ma visite.

Il se leva, et je l’accompagnai jusqu’à la porte, où il se confondit encore en salutations.

Je passai le reste de la journée à rêver… à me souvenir… Souvenirs comiques, en vérité, tristes rêves !…

J’ai connu la marquise, alors qu’elle était la maîtresse de mon ami Lucien Pryant, un brave et charmant garçon, aujourd’hui célèbre, riche, décoré, et qui a fait une si belle, une si rapide carrière dans l’espionnage militaire.

Tous les deux, ils m’avaient mis, tout de suite, dans la confidence de leurs amours, non par élan d’