Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/146

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vais vous éclairer d’un mot… Cette villa est hantée…

» – Hantée ?… balbutiai-je.

» – Parfaitement… Toutes les nuits, il y vient un fantôme… Oh ! ce n’est pas un fantôme à tête de mort, à corps de squelette, et qui traîne des suaires, des ferrailles, des lueurs de lune, par les couloirs, sur le coup de minuit… Non… C’est un fantôme comme on n’en voit pas souvent, même en rêve, un adorable et merveilleux fantôme, à tête et à corps de femme, dont la chevelure rousse, les yeux bleus, la chair irradiante sous la transparence des batistes parfumées, feraient damner un saint… Ce fantôme a ceci de particulier qu’il connaît tous les secrets de l’amour et qu’il en invente, et qu’il est discret, discret… Il vient quand on veut… il s’en va de même… Personne n’en sait rien… ni vu, ni connu… Enfin, c’est à prendre ou à laisser… Je loue la villa avec le fantôme… je ne la loue jamais sans lui… Si vous n’en voulez pas, je ne suis pas en peine… Non, je ne suis pas en peine, sacrédié !

« Je regardai le notaire… Un sourire cynique bridait ses lèvres, éraillait ses prunelles, autour desquelles le cercle rouge s’avivait de suintements sanguinolents… Et je criai :

» – Ce fantôme… je le connais, je l’ai vu… C’est…

« Maître Barbot m’imposa silence par cette interruption violente :