Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/154

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et procéda aux pansements urgents en attendant le chirurgien que, au premier aspect du blessé, il avait mandé aussitôt. « – Est-ce qu’il est mort ? » demanda le secrétaire qui entra dans la chambre. « – Pas encore ! » répondit le médecin… mais… » Et il hocha la tête d’un air qui voulait dire : « – Mais c’est comme s’il l’était… » « – Mon Dieu ! mon Dieu ! »… gémit le pauvre homme… À quoi le docteur répliqua, sévère : « – Eh bien, master Winwhite… si votre maître vous entendait, il ne serait pas content »… Le pansement terminé, le blessé revint à lui. Il regarda le médecin de ce regard net, précis et sondeur, avec quoi il regardait alors toutes gens et envisageait toutes choses dans la vie, eut conscience de la gravité de son cas, et d’une voix sèche, avec cette façon de parler abréviative qu’il avait : « – Fichu ? » interrogea-t-il. « – Probable », répondit le médecin qui, dans la fréquentation de son ami, avait acquis ce tour de langage télégrammatique et sommaire, dans lequel les mots inutiles et même les mots tout court n’ont pas de place, changés qu’ils sont en simples signes phonétiques, pour ainsi dire. « – Très bien », fit Dickson-Barnell… Et sans autre attendrissement sur soi-même, en homme qui apprit à ne jamais récriminer sur un fait contre quoi l’on ne peut rien, il passa un trait noir sur sa vie, comme sur une mauvaise créance… « – Pourtant, reprit le médecin, je crois qu’on peut tenter une opération… Voulez-vous ? » « – Quelle ? »