Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/201

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c’est uniquement pour rendre hommage à la parfaite bonne grâce de ce petit monsieur qui se déclara, au surplus, enchanté de mes façons d’agir envers lui.

Nous rentrâmes à la maison où je m’empressai de rédiger un court bail, sous seing privé, par quoi je fus amené à lui demander ses nom, prénoms et qualités. Je sus ainsi qu’il s’appelait Jean-Jules-Joseph Lagoffin, ancien notaire à Montrouge. Je le priai ensuite, pour la bonne correction de l’acte passé entre nous, de me dire s’il était marié, veuf ou célibataire. Sans me répondre, il aligna devant moi, sur la table, une rangée de billets de banque, ce qui m’obligea, sans plus, à lui donner quittance de son argent et de mes questions. « Évidemment, pensai-je, il est marié… Seulement, il ne veut pas l’avouer, à cause… de Fragonard. »

Alors, je le regardai davantage. Je regardai ses yeux qui eussent, peut-être, exprimé de la douceur, s’ils avaient exprimé quelque chose. Mais ils n’exprimaient rien, tant ils étaient morts, en ce moment, morts autant que la peau du front et des joues, laquelle, molle, plissée et toute grise, semblait avoir été cuite et recuite, à petit feu, dans de l’eau bouillante.

Après avoir accepté, par politesse, un verre d’orangeade, Jean-Jules-Joseph Lagoffin partit avec force remerciements, salutations et révérences, en me prévenant qu’il viendrait – si cela ne