Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XV


J’ai souvent rêvé ces rêves.

Je suis dans une gare, je dois prendre le train. Le train est là, grondant devant moi. Des gens que je connais et que j’accompagne montent dans les wagons avec aisance. Moi, je ne puis pas… Ils m’appellent… Je ne puis pas ; je suis cloué au sol. Les employés passent, me bousculent et me pressent : « Montez donc ! mais montez donc ! » Je ne puis pas… Et le train s’ébranle, s’enfuit, disparaît. Les disques ricanent de mon impuissance ; une horloge électrique se moque de moi. Un autre train arrive, puis un autre… Dix, vingt, cinquante, cent trains se forment pour moi, s’offrent à moi, successivement… Je ne puis pas… Ils s’en vont, l’un après l’autre, sans qu’il m’ait été possible d’atteindre soit le marchepied, soit la poignée de la portière. Et je reste toujours là, les pieds cloués au sol, immobile, furieux, devant des