Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/249

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candidat de toutes les réformes, de toutes les protestations, de toutes les revendications. Très intelligent, très convaincu, très dévoué « à l’idée », il ne payait malheureusement pas de mine. Et sa figure ne répondait nullement aux déclarations fières et violentes de ses affiches… Pour honorer ses électeurs, il avait mis ses plus beaux habits… Une redingote noire, fripée, élimée, de coupe très ancienne, dont s’exhalait une désagréable odeur de naphtaline, et que n’en rongeaient pas moins, en beaucoup d’endroits, de voraces colonies de mites… Un chapeau haut de forme, terni, jauni aux bords luisants, au ruban moiré de graisse, couronnait sa toilette piteuse… Il était seul… tout seul… et, sentant une hostilité contre lui, d’un œil embarrassé et timide, il cherchait, parmi la foule, ses amis qui, sans doute, n’étaient point encore arrivés…

De la pointe de son bâton normand, avec un air goguenard, le marquis, aussitôt, le désigna aux gens qui l’accompagnaient…

— Regardez-moi ce mirliflor ?… cria-t-il avec un gros rire où la haine grimaçait… Et ça se dit socialiste !… Ah ! malheur !…

Il y eut quelques rires sournois, d’abord, puis quelques murmures…

— Oh ! là ! là ! là !…

Le marquis de Portpierre, lui, était bien d’aplomb sur ses gros souliers ferrés, sa casquette en peau de lapin crânement posée en arrière, sur sa