Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/289

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les hoquets, il poussait d’étranges plaintes, et d’étranges jurons. Le maire, très ému, interpella le patron de la chaloupe :

— Mais cet homme est malade ?… Cet homme a le choléra ?…

— Le choléra ? dit le patron, en haussant les épaules… Ah ! oui… un drôle de choléra… Il est saoul, le cochon…

Le matelot continuait à se plaindre. Un spasme le prit. Il se souleva un peu sur ses poings et, la bouche ouverte, la tête ballante, la poitrine ébranlée par des efforts intérieurs, il laissa échapper un long vomissement.

— Vite… vite… du secours ! vociféra le maire… C’est le choléra… je vous dis que c’est le choléra… Le choléra est au Kernac…

Quelques hommes s’approchèrent… D’autres s’enfuirent… Le maire commanda :

— De l’acide phénique !… De étuves !… Qu’on allume des feux sur le quai…

Et malgré les protestations du patron qui répétait : « Puisque je vous dis qu’il est saoul », le maire sauta dans la chaloupe.

— Aidez-moi… aidez-moi… N’ayez pas peur…

On souleva le matelot, on le débarqua. Porté par trois hommes, sous la conduite du maire, il fut promené, par toutes les rues du village, jusqu’à l’hospice.

— Qu’est-ce qu’il a ?… Qu’est ce qu’il y a ?… demandaient