Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/309

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des lambeaux de peau morte… Il fait froid… La femme s’excuse…

» – C’est que je n’ai pas de bois… ni de charbon… L’hiver est arrivé si vite !… Et puis voilà un mois que les agents sont venus… Ils m’ont emballée… Il n’y a que trois jours qu’ils m’ont relâchée, crois-tu ?

« Et elle ajoute :

» – Si seulement j’avais eu vingt francs à leur donner, ils m’auraient laissée tranquille… Ah ! les chameaux !… Non, là ! vrai ! il y en a qui demandent « un bonheur »… d’autres veulent de l’argent… Moi, ils me demandent toujours de l’argent. Ça ne devrait pas être permis…

« Au fond de la pièce, un grand lit s’étale, avec deux oreillers exhaussés sur un traversin… À côté un autre lit, plus petit, où j’aperçois, émergeant des couvertures, un ébouriffement de chevelure blonde, et, dans ce blond, une mince figure pâle qui dort.

» – C’est la petite, mon chéri… Mets-toi à ton aise… Je vais la réveiller… Ah ! tu vas voir ce qu’elle est vicieuse et adroite… Tu sera bien content, va…

» – Non… non… laisse-la.

» – Ah ! tu sais… elle ne va pas avec tout le monde… elle ne va qu’avec les Messieurs qui sont généreux…

» – Non… laisse-la dormir…

» – Comme tu voudras, mon chéri…