Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/311

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d’âmes humaines… Lui parler de haine, de révolte ?… À quoi bon ?… Des mots encore… La misère est bien trop lâche ; elle n’a pas la force de brandir un couteau, ni d’agiter une torche sur l’égoïste joie des heureux… Mieux vaut donc que je me taise !… D’ailleurs, je ne suis pas venu ici pour pérorer comme un socialiste. L’heure n’est pas aux déclamations vaines, qui ne remédient à rien et ne font que montrer davantage le vide des actes dans le vide des phrases… Je suis venu pour voir, et j’ai vu… Il ne me reste plus qu’à partir… Bonsoir !…

« L’enfant dort toujours dans son lit, nimbée de blond. Les possessions d’impubère ont déjà flétri sa bouche, pourri son haleine, et mis des éraillures au coin de ses yeux fermés. Dans la pièce voisine, j’entends la vieille qui rôde et qui traîne ses savates sur le plancher craquant. La femme a caché ses deux pièces d’or sous le traversin, et elle me dit tout bas :

» – La vieille va être furieuse que tu n’aies pas été avec la petite… Donne-lui quelque chose pour qu’elle ne me prenne pas tout ce que tu m’as donné… C’est une méchante vieille, et rosse, rosse… Ah ! vrai… Et puis attends que je t’éclaire, monsieur… L’escalier est si traître !… »


Et voici ce que dit un autre :

« L’autre jour, j’avais, chez moi, un ouvrier menuisier