Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peu s’en fallut qu’on ne se ruât sur lui… et qu’on ne le bouclât au poste… Mais, à force de douceur, d’insistance tranquille, il obtint enfin la faveur d’être introduit dans le bureau de M. le commissaire de police…

» – Monsieur le commissaire de police, salua Jean Guenille, je vous apporte une chose que j’ai trouvée, sous mon pied, tout à l’heure, dans la rue…

» – Qu’est-ce que c’est ?

» – C’est ça, monsieur le commissaire… répondit le pauvre hère, en tendant du bout de ses doigts osseux, le portefeuille…

» – Bien… bien… Et naturellement… il n’y a rien dans ce portefeuille ?

» – Voyez vous-même, monsieur le commissaire…

« Celui-ci ouvrit le portefeuille, sortit la liasse des billets… les compta… Et les yeux tout ronds de surprise :

» – Mais dites donc… mais dites donc ? s’écria-t-il… Il y a dix mille francs !… Mais sapristi !… c’est une somme énorme… une somme… énorme… Non d’un chien !…

« Jean Guenille restait très calme… Il prononça :

» – Quand je pense qu’il y a des gens qui ont des dix mille francs dans leurs portefeuilles… ça fait pitié !

« Le commissaire ne cessait de considérer le vagabond, avec une expression dans les yeux… une