Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/337

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gnes accomplis… des demi-souteneurs, des souteneurs accomplis… tristes et rigolos… charitables et féroces… et que j’aimais parce que, eux, du moins… ils avaient un cœur.

Oui, mais tout cela n’est pas vivre…

Sentir les choses et promener sa misère de là à là, du soir au matin, du marchand de vins à la prison, ça n’est pas vivre…

Et voilà maintenant ce que je veux faire : à moins qu’on ne me haïsse au point de me séquestrer dans une maison de fous… dans un bagne… ou dans un hôpital…

Je veux, enfin, devenir un danger social…

Et j’irai, moi, pour le peuple de Paris et pour les paysans que j’aime, j’irai, moi… oui… j’irai rendre visite à tous les députés et à tous les électeurs, fussent-ils cent millions, et je leur demanderai s’ils n’ont pas enfin fini de se foutre de notre gueule à tous ?

Pour le peuple de Paris, et pour les paysans que j’aime, j’irai… oui… j’irai trouver Loubet ; je l’obligerai à me suivre chez tous les mastroquets de la rue de la Roquette, de la rue de Charonne, du faubourg Antoine, un jour de paie… Et je l’emmènerai à toutes les mairies où sont affichées les demandes d’emploi, et je le ferai entrer dans les taudis, où les gueux dodelinent leurs pauvres têtes malades…

Pour le peuple de Paris… et pour les paysans que j’aime… j’irai… oui… j’irai inviter le roi des