Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/353

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de balayer sa chambre, elle ne cessait de soupirer et de répéter :

— Quelle plaie, mon Dieu !… quelle plaie !… Et ce sont des Bretonnes ?… Ça, des Bretonnes ?… Jamais de la vie…

Elle alla conter ses peines à l’épicière d’Auray, chez qui, tous les trois jours, elle faisait ses provisions… Et quand elle eut épuisé toutes les histoires de ses bonnes, elle demanda :

— Voyons, madame, vous ne connaîtriez pas quelqu’un ?… une bonne fille ?… une vraie Bretonne ?

L’épicière hocha la tête :

— C’est bien difficile, madame… bien difficile… Le pays est très ingrat pour la domesticité…

Et, baissant les yeux, d’un air modeste, elle ajouta :

— Depuis surtout qu’il y a de la troupe ici… La troupe, voyez-vous… ce n’est pas mauvais pour le commerce… mais, pour la vertu des demoiselles… ah ! madame, ce n’est rien que de le dire…

— Je ne puis pourtant pas me passer de bonne ! s’écria Mme Lechanteur, qui désespérait.

— Sans doute… sans doute… madame… C’est bien désagréable… Mon Dieu !… j’en connais une, Mathurine Le Gorrec… une bonne fille… excellente cuisinière… quarante-quatre ans… Seulement… voilà elle n’a pas bien sa tête… Oui… elle est un peu toquée… comme beaucoup de vieilles