Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/361

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pas de parents, pas d’amis, pas de biniou, pas de gais rubans, pas de cortège joyeux processionnant à travers la lande en fête. Il ne pleuvait pas, mais le ciel était tout gris. Une indicible tristesse planait sur les ajoncs défleuris, sur les brandes rousses.

Le vicaire n’était point arrivé quand ils se présentèrent à l’église. Il fallut attendre. Le parrain et la marraine s’agenouillèrent devant l’autel de Sainte-Anne, et marmottèrent des oraisons ; la vieille berçait l’enfant qui se plaignait, mêlant ses prières aux refrains endormeurs ; le père regarda les colonnes, les voûtes, tout cet or, tout ce marbre, surgi de la croupissante misère d’un pays désolé, comme sous la baguette d’une fée. Prosternées sous les cierges, la face presque collée aux dalles polychromes, des femmes priaient. Et des bruits de lèvres, pareils à de lointains chants de caille dans les prairies soirales, et des tintements de chapelets et des glissements de rosaires, s’égrenaient, se répondaient parmi le silence de la morne et fastueuse basilique.

Enfin le vicaire arriva, en retard d’une heure, tout rouge, nouant avec impatience les cordons de son surplis… il était de mauvaise humeur, comme un homme brusquement dérangé de son repas… Après avoir jeté un regard dédaigneux sur le modeste compérage qui ne lui promettait pas de grasses prébendes, il s’adressa, hostile, au père :