Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas baptiser ta fille… As-tu compris ?… Remmène-la d’où elle vient… Une fille en qui le diable habite !… Ça t’apprendra à ne pas appeler le docteur Marrec… Tu peux aller soigner tes vaches… Morin, Durand, Enfer et Cie…

Louis Morin ne trouva à prononcer que ces mots, tandis que, obstinément, il tournait et retournait dans ses mains son chapeau :

— C’est incroyable… c’est incroyable… Comment faire ?… Mon Dieu, comment faire ?

Le vicaire réfléchit un moment et, d’une voix redevenue plus calme :

— Écoute, fit-il… Il y a un moyen… peut-être… Je ne peux pas baptiser ta fille tant qu’elle aura le diable dans le corps… Mais je peux, si tu y tiens, lui enlever le diable du corps… Seulement, c’est dix francs…

— Dix francs ?… s’exclama Louis Morin, consterné. Dix francs ? C’est bien cher… c’est trop cher…

— Eh bien, mettons cinq francs, parce que tu es un pauvre homme… Tu me donneras cinq francs… Puis, à la récolte, tu me donneras un boisseau de pommes de terre, et, au mois de septembre, douze livres de beurre… Est-ce entendu comme ça ?

Morin se gratta la tête, durant quelques minutes, perplexe…

— Et vous la baptiserez par-dessus le marché ?