Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

brise, tournaient, tournaient dans le ciel… Elle pâlit, se laissa tomber de nouveau, et, le front contre le sol, les bras et les jambes écartés, battant les dalles du quai, elle se mit à hurler :

— La croix de Notre-Seigneur qui tourne… tourne.. la croix de Notre-Seigneur qui est folle. Je suis en enfer… grâce… grâce… au secours !

Depuis ce temps, lorsque, par-delà l’eau bleue, ou verte, ou grise, elle suit la ligne sinueuse de la terre bretonne qui se violace dans le lointain, elle se signe aussitôt, s’agenouille sur le galet de la grève, et remercie le ciel, en une fervente action de grâces, de l’avoir délivrée des démons, de l’enfer, de ce dérisoire et sinistre enfer où Satan force la sainte croix de Notre-Seigneur à tourner, tourner, sans cesse, sous le vent continu des blasphèmes et du péché.