Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/382

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si correct, si Renaissance !… En trois jours, elle qui posait, avec de si admirables, de si académiques mouvements, les impératrices, les courtisanes, les nymphes, les martyres… elle qui lui avait valu une médaille d’honneur pour sa Mort d’Agrippine !… En trois jours !… Il n’y avait pas une semaine qu’elle était là, couchée sur la table à modèle, parmi des soies jaunes, et des coussins écarlates, posant une Cléopâtre… oui, une Cléopâtre, avec laquelle il eût certainement conquis un siège à l’Institut !… Et Barnez revoyait la raideur des bras pendants et cerclés d’or, la lourdeur foisonnante des chevaux épars, le ventre radieux, les seins éblouissants, le rebondissement merveilleux des hanches, le satinage des jambes… En trois jours, tout cela éteint, tout cela perdu, tout cela disparu !… C’était affreux, impossible !

— Mathilde !… ma petite Mathilde ! gémissait le malheureux – parle-moi… Ça n’est pas vrai, dis, que tu es morte ?… Tu poses pour une Ophélie, pour une Juliette, n’est-ce pas ?… Mais tu n’es pas morte… tu vis… ah ! parle-moi…

Mais sur ses lèvres, il sentit le froid des lèvres mortes, un froid qui le brûla comme un fer rouge. Alors il s’affaissa, le long du lit, enfouit sa tête dans les draps, sanglota :

— Mon Dieu ! mon Dieu !… Elle ne pose pas.

Il ne voulut de personne pour veiller sa femme et consigna sa porte aux consolations importunes. Seul, il procéda à la toilette funèbre ; seul, il disposa