Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/406

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans la cour… J’étais nu-pieds, en chemise… Je longeai le bâtiment où Jean dormait, à cette heure, m’arrêtai quelques secondes près de la fenêtre derrière laquelle était Jean, puis je continuai ma route. Les chiens de garde vinrent me flairer et, me connaissant, n’aboyèrent pas. J’aurais bien voulu leur donner des coups de pied, mais je craignis le bruit de leurs plaintes dans la nuit. Pourquoi ? Je n’en sais rien… Je ne savais pas où j’allais et ce que je voulais. Arrivé près du clapier, je m’arrêtai de nouveau… puis je m’agenouillai… Je me couchai sur la terre, au ras d’un petit grillage à travers lequel passaient des brins de paille, et des mèches d’herbe que la lanterne éclairait… Et je criai, entre mes dent, où la voix s’étouffait :

Canaille !… Sale canaille !…

J’ouvris le grillage, écartai la paille et les herbes, plongeai ma main dans le trou…

— Je te trouverai bien… va !… Tu as beau te cacher… je te trouverai bien, sale canaille !…

Ma main tâtonna quelque temps et ramena enfin quelque chose de chaud et de mou, une boule fauve que je présentai à la lumière de la lanterne… le petit lièvre…

— Ah ! ah !… C’est toi !… C’est bien toi…

Et ma voix s’étranglait, très basse, très rauque…

— Oui, c’est bien toi… Enfin !… Dis-moi que tu es Jean, sale bête !…

Le petit lièvre avait ses oreilles couchées… Je ne