Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/415

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mener des pur-sang de vingt mille la paire, mais je n’avais pas, non plus, compté, à Paris, m’enterrer dans ces poussières anciennes, rétrograder vers un passé disparu. Depuis huit jours que je me promenais par la ville, aux endroits les plus élégants, bien des idées, bien des ambitions m’étaient venues, et je sentais battre en moi une âme moderne…

Je me consolai en pensant qu’il fallait bien commencer par quelque chose… prendre, pour ainsi dire, l’air dire, l’air de ce pays nouveau, et je me promis à moi-même de ne pas rester longtemps dans cette bicoque… Je soulevai la housse et jetai sur la voiture un coup d’œil méprisant.

— Ça n’est pas, non plus, une jeunesse… dis-je… Ah ! mazette, non… Le vieux Bombyx n’eut pas l’air d’avoir entendu cette réflexion. Il ouvrit une porte.

— Voici la sellerie, fit-il.

C’était une pièce très étroite, pavée de carreaux de brique, lambrissée de sapin verni, déverni, plutôt… Les harnais, posés sur des chevalets, semblaient parler, entre eux, de choses surannées. L’air humide avait terni les cuirs et noirci les boucles de métal… Un petit poêle, qu’on n’allumait pas, et dont le tuyau crevé traversait le mur, donnait la réplique à une chaise dépaillée, à qui manquaient les traverses du dossier. Sur une planche, couverte d’un papier goudronné, était rangée la livrée de l’ancien cocher.