Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/417

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modeste et avec laquelle il n’y avait pas moyen de faire le faraud : veston de droguet bleu, gilet bleu, pantalon bleu avec un passepoil rouge, casquette de cuir verni, ornée d’un galon d’or. Il y avait aussi un gilet d’écurie, à raies rouges et noires. Tout cela, en effet, était propre et comme neuf. À peine si je remarquai sur le drap, aux coudes du veston, aux genoux du pantalon, des places plus luisantes.

J’essayai la livrée.

— Je vous l’avais bien dit, s’écria le baron… Elle vous va admirablement… elle vous va mieux qu’à lui… elle semble taillée exprès pour vous.

— Je ne trouve pas… dis-je.

— Qu’est ce que vous ne trouvez pas ? Elle est tout à fait à votre mesure… Mais regardez-vous dans la glace… Le veston n’a pas un pli… il vous moule… Le pantalon tombe très bien, très droit… C’est merveilleux…

Alors, d’une voix lente et grave, je prononçai :

— Je n’ai pas besoin de me regarder dans la glace… Cette livrée me va très bien au corps, possible… mais c’est à l’âme qu’elle ne va pas du tout !…

Le vieux baron maîtrisa l’effroi qui, soudain, était apparu dans ses yeux :

— Qu’entendez-vous dire par là ?… Pourquoi me dites-vous cela ?… Vos paroles n’ont aucun sens…

— Les paroles ont toujours un sens, monsieur le