Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mais ils n’ont pas l’air plus fous que les autres… Je me faisais d’eux une autre idée. Je trouve que ça ressemble à la Chambre des députés, avec plus de pittoresque.

— Et plus de gaieté… Et puis, mon ami, tu vas voir, c’est très amusant… On ne sait pas où ces pauvres bougres ont l’esprit, quelquefois…

Il arrête un fou qui passe, et l’interroge :

— Pourquoi ne demandes-tu rien aujourd’hui, toi ?

Pâle, maigre, très triste, le fou esquisse un geste.

— À quoi bon ? fait-il.

— Tu es fâché ?… Tu fais ta tête ?

— Je ne suis pas fâché… Je suis triste.

— Il ne faut pas être triste… C’est très mauvais dans ton état… Dis-nous comment tu t’appelles ?

— Plaît-il ?

— Ton nom ? Dis-nous ton nom ?

Avec un air de douceur, le fou, doucement, reproche :

— Ce n’est pas bien de railler un pauvre homme. Vous savez mieux que personne que je n’ai plus de nom… Puis-je en faire juge monsieur ?… Monsieur est sans doute le préfet ?

Et sur un geste affirmatif de Triceps :

— Eh bien, je suis très content de cette circonstance… Voici, monsieur le préfet… J’avais un nom, comme tout le monde… C’était mon droit, n’est-ce pas ? Il me