Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/79

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oublié aujourd’hui, car tout s’oublie, Me du Buit, avocat considérable, dont la tête glabre et bise semble être taillée dans la même matière que son nom, défendait, je crois, M. Secrétan. Et voici ce qu’il dit :

« Messieurs on nous reproche – tranchons le mot – on nous accuse d’avoir accaparé les cuivres… Les cuivres, messieurs ! (Sardonique.) Accusation étrange en vérité. (Il se dandine et regarde hardiment, bien en face, le ministère public.) Foudroyante accusation, n’est-ce pas ?… Mais, messieurs, je vais, dis-je, d’un seul mot (Il bouscule sa serviette bondée de paperasses.)… Je vais, dis-je d’un seul mot, réduire en poussière (Il frappe avec force sur la barre.), anéantir… dissiper, les arguments sans valeur de nos adversaires… les soi-disant calculs… les soi-disantes preuves, entassées à plaisir par l’organe du ministère public… (Subitement calme et bref.) Une simple comparaison suffira… (Une pause. Il se balance un instant, relève, d’un geste vif, jusqu’à l’aisselle, les plis flottants de sa manche, tend vers le plafond son index levé, se penche sur la barre, ployant en deux son corps, par un mouvement de guignol.) Messieurs… (D’une voix insinuante et très basse.) un laboureur… (D’une voix plus accentuée et convaincue.) un agriculteur… (D’une voix sonore et enthousiaste.) un cultivateur… (D’une voix tonnante.) un paysan… (Une pause. L’index levé tourbillonne dans l’air, frémit, s’