Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/274

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le faisan, où tout est sacrifié au faisan, où le faisan est roi. Les chenils avec des clochetons, d’immenses faisanderies avec des tourelles remplacent les fermes au toit rose, et les treillages en fil de fer courent là, où jadis s’élevaient les haies de coudriers, où montaient si fins, si légers sur le ciel, les rideaux des trembles au feuillage d’argent.

On les voit par troupes, les volatiles sacrés, courir dans les petits layons, sous les touffes de mahonias, se glisser entre les brindilles du sarrazin, se percher fièrement sur les lattes des clôtures, et se poudrer sur les routes, au soleil. On est obsédé par le faisan, on marche sur le faisan ; partout où la vue se pose, elle rencontre un faisan. Les gardes, le fusil sur l’épaule, sont échelonnés le long de la route et veillent sur les oiseaux que les paysans pourraient, en passant, assommer d’un coup de bâton.

Cela est sinistre, je vous le jure.

Comme il faisait très chaud, je m’arrêtai à la porte d’une petite maison que j’avais