Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/289

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bien, moi, sacré mâtin, je les ai vus trahir ! Et pas une fois, non !… mais plus de cent fois, plus de mille fois !… oui, plus de deux mille fois !

Le petit était indigné, sa face maigre s’empourprait, devenait violette. Il se remuait sur sa chaise avec une agitation extraordinaire, montrait le poing à des personnages qu’on ne voyait pas, levait et baissait sa paupière au bord de laquelle son œil apparaissait furieux, se grattait la tête, frappait la table. Il bégaya :

— Les canailles ! les canailles !… Mais comment qu’ils s’y prenaient, dis ? Comment qu’ils s’y prenaient pour trahir ?

— Comment qu’ils s’y prenaient ? répéta le gros en ricanant effroyablement. Comment qu’ils… Eh ben ! mais… ils trahissaient… Voilà comment ils s’y prenaient.

À cette explication imprévue, le petit lança un juron ordurier ; de la paume de la main, il se frappa la cuisse, puis, repoussant