Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/413

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pas fait pour ragaillardir l’esprit : des montagnes rasées, sans un arbre, des rochers, tristes, chauves, et au bas du ravin, sur un lit de cailloux, l’Ariège qui aboyait, sinistre et hargneuse.

Il avait été convenu qu’on retrouverait l’aubergiste sur un plateau de la montagne, le seul endroit convenable pour se couper la gorge à l’aise. En effet, le gaillard était là, souriant, gai, et, le plus tranquillement du monde, il mangeait, en attendant, un morceau de fromage de chèvre, sur un énorme morceau de pain bis. Dernière espérance envolée. Pescaire et Cassaire s’étaient dit : « Il ne passera pas, le damné aubergiste ; on l’arrêtera, les douaniers, les bons douaniers lui prendront nos armes. » Et il était là, et il riait, et il mangeait !

— Eh bien ! messieurs, cria-t-il joyeusement, ne vous l’avais-je pas promis… Ils n’y ont vu que du feu, les coïons ! Tenez, voilà les pistolets… Ah ! les coïons !

À la vue des armes maudites qui reluisaient