Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/414

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dans le soleil, « nos duellistes » manquèrent de s’évanouir. Pâles, les tempes humides et serrées, la poitrine haletante, la tête bourdonnante, ils ne voyaient plus rien, n’entendaient plus rien… Ils ne comprenaient plus pourquoi, près d’eux, des hommes faisaient sauter en l’air des pièces d’argent, pourquoi ils comptaient des pas, pourquoi ils chargeaient des armes… Toute haine s’était envolée de leur cœur ; ils s’aimaient d’un immense et fraternel amour… Ils durent faire d’énergiques efforts pour ne pas tomber dans les bras l’un de l’autre, se demander pardon, s’embrasser…

— Allons ! messieurs, dit l’un des témoins…

À ce moment, l’aubergiste s’écria :

— Qu’est-ce que je vois ?… Qu’est-ce que c’est que ça ?

Et avec son bâton, il indiqua quelque chose de noir qui, en face, sur le versant de la montagne, descendait… On eût dit d’une troupe de gens à cheval, mais à cause