Page:Mirbeau - Paternité, paru dans l’Écho de Paris, 1 septembre 1891.djvu/4

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Le modèle

Je suis triste… je suis un peu triste…

Le peintre

Pourquoi es-tu triste ?…

Le modèle

Parce que mon mari sort de prison, ce soir.

Le peintre

Et ça t’embête qu’il sorte de prison ?

Le modèle

Non, ce n’est pas ça ! Ça n’est pas ce que vous croyez !… Il ne l’avait pas mérité !… Il s’était battu pour moi, avec le grand Salvianti, qui me regardait trop… Il lui a donné un coup de couteau dans l’épaule… On l’a condamné à six mois de prison… Ça n’est pas juste…

Le peintre

Parbleu ! On aurait dû le décorer !… Et il sort aujourd’hui ?

Le modèle

Oui !… Et il va me tuer, sans doute…

Le peintre (allumant sa pipe)

Te tuer !… Elle est bonne !… Et pourquoi te tuerait-il ?

Le modèle

Parce que je l’ai mérité.

Le peintre

Allons, bon !… Tu as couché avec Salvianti ?

Le modèle

Oh non !… Ça, non !… Jamais… C’est à cause de lui que mon mari est en prison.

Le peintre

Hé bien ! Qu’est-ce que ça fait ?…

Le modèle (d’une voix de plus en plus dolente)

Ça fait que je suis enceinte !…