Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/142

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Le Père de Marel lui avait tenu parole. Il venait le prendre, chaque jeudi, à l’étude du soir, et lui enseignait la musique. Sébastien y montra une ardeur extrême, impatient d’en avoir fini avec les premières difficultés de l’épellation.

— Quand pourrais-je chanter à l’église ? demandait-il souvent.

Son professeur était obligé de le calmer. Il avait même des scrupules à l’idée de lui révéler un art qui allait peut-être décupler la rêverie en cette âme déjà trop rêveuse, et surexciter la sensibilité de ces nerfs trop facilement impressionnables.

— Sapristi ! mon petit ami… lui disait-il en hochant la tête… J’aimerais mieux vous apprendre la gymnastique… le trapèze vous vaudrait mieux.

Alors, il coupait ses leçons de causeries gaies, d’histoires drôles, de récitations comiques, de promenades dans le parc, estimant que ce qu’il fallait d’abord à ce tempérament, prédisposé aux mélancolies déséquilibrantes, c’était la gaieté morale et le mouvement corporel. Un jour vint où, devant certains phénomènes inquiétants, il jugea sa responsabilité trop engagée. D’ailleurs, si bon qu’il fût, il ne se plaisait qu’avec les natures gaies, dans le rire sonore et bien portant. Aussi, il espaça ses leçons, les modifia, et, profitant de la retraite où allaient entrer les élèves qui se préparaient à leur première communion, il finit par les cesser tout à fait.

La première communion de Sébastien fut marquée par un incident qui fit grand bruit au collège et dont on parle encore, chaque année, comme un miracle de la grâce. La retraite avait duré neuf jours ; neuf jours de prières, d’examen