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SÉBASTIEN ROCH

taire de la mairie et la mère Cébron, appelés à donner leur avis. Quant à lui, il se réjouissait de s’y sentir serré et d’y avoir pourtant les mouvements libres et aisés. Durant cette période d’activité bizarre, M. Roch demeurait gai, d’une gaieté presque bon enfant. En varlopant son bois, il lui arrivait même de chanter et de siffler des airs de sa jeunesse, s’abstenant toutefois des plaisanteries macabres et de mauvais goût. Sa force d’âme ne se démentait pas une seconde. Il ne sermonnait plus son fils, dans ses lettres, pleines de récits municipaux, de nouvelles de son monument, d’aperçus sur la mort, d’un calme stoïque. Puis, quand ce fut fini, tout d’un coup, il fut pris d’un vague à l’âme, auquel succéda bien vite une véritable détresse morale. La peur de mourir l’envahit. Il ne pouvait plus se promener, dans son terrain, autour de sa tombe, sans être assailli de terreurs. Il rentrait chez lui, très pâle, se trouvait malade au moindre froissement de ses muscles, envoyait chercher le médecin, se réveillait, la nuit, baigné de sueurs froides, en proie à des affres affolantes. Il se réfugia davantage dans sa mairie et, pour écarter la funèbre hantise, il cribla Pervenchères d’arrêtés inédits, et de centimes additionnels.