Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/193

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— Vous ! s’écria Sébastien dans un soulèvement d’horreur… Vous !…

La voix du Père redevint caressante et lente, humiliée et triste.

— Oui, moi… Je suis prêtre… J’ai le pouvoir de vous absoudre… même indigne, même coupable, même criminel… Le caractère sacré qui fait que je puis vous rendre, si misérable que je sois, la paix de la conscience et l’orgueilleuse pureté de votre corps, la candeur de votre petite âme d’ange, je ne l’ai point perdu… Moi, qui suis retombé dans l’enfer, je puis vous redonner le paradis… Écoutez-moi… Tout à l’heure… là, je ne sais ce qui a égaré ma raison… j’ai obéi à quelles suggestions de folie ?… Je l’ignore… Dieu m’est témoin que mes intentions étaient nobles… C’est affreux ces rechutes soudaines des passions qu’on croit abolies, et vaincues par des années de prières et de repentir !…

Il s’agenouilla, posa son front sur les genoux de Sébastien, et poursuivit :

— Je ne veux pas diminuer mes responsabilités, amoindrir mon crime. Non. Je suis un monstre… Pourtant ayez un peu pitié de moi, de moi qui suis à vos pieds, vous demandant pardon… Vous, rien ne vous a touché, rien ne vous a sali parce que vous êtes un enfant, mais moi ! Pour racheter mon âme, pour effacer ce crime… – et pourrais-je la racheter cette âme, et pourrais-je l’effacer ce crime ?… – quelles longues expiations ! Cette chair que j’ai souillée, cette chair où, malgré les jeûnes, les prières, les supplices, le péché dormait encore, il faudra que je la déchire, que je l’arrache fibre à fibre, avec mes ongles, avec…